... nous partons au front, à la belle époque, en plein juillet, avec la perspective d'une belle blessure en vitesse ...
Incorporé au 133e Régiment d'Infanterie de l'Est au mois d'août 1916, Émile est blessé à la tête causée par un éclat d'obus, lors d'un assaut donné dans la nuit du 11 au 12 septembre 1916 à Bouchavesnes-Bergen (Somme). Il est évacué du front et envoyé en soins et convalescence le 15 septembre à l'hôpital militaire de Chartres, rue de Bonnard. Il y écrit une dizaine de lettres, jusqu'au 1er octobre 1916. Dans celle-ci il évoque une permission à Sauveterre retardée en raison de soins complémentaires.
Il n'écrit aucune lettre durant le mois d'octobre : il termine sa convalescence, est cité à l'Ordre de l'Armée et part à Sauveterre pour la permission annoncée.
La correspondance reprend le 2 novembre 1916 ; les textes n'en sont pas conservés, seulement les enveloppes portant le cachet de La Poste : il est en caserne à Belley dans l'Ain, ville proche du lac du Bourget et d'Aix-les-Bains, et depuis 1873 garnison du 133e Régiment d'infanterie. La dernière enveloppe y est datée du 8 janvier 1917.
Saint-Cyr, le 31 mars 1917.
Chère maman,
Nous partons dans un instant à une séance de dessin du côté de Versailles. Quoique je ne sois pas bien fort, cela m'intéresse et j'espère arriver à faire un levé de terrain à peu près propre. Tu vois, que notre travail n'est pas uniquement physique, que la part de l'esprit est encore assez grande, et je t'assure que tous ceux qui sommes ici, après deux ou trois ans d'abrutissement, nous dérouillons avec plaisir notre intellect.
De plus en plus circule le bruit que les cours dureront jusqu'à la fin juin. Nous rejoignons ensuite le dépôt qui nous envoie en permission de huit jours. Après quoi, nous partons au front, à la belle époque, en plein juillet, avec la perspective d'une belle blessure en vitesse, ou d'un galon de sous-lieutenant. Pour ma part, je n'envisage nullement les autres hypothèses. Avez-vous reçu d'autres nouvelles de Pierre, d'Henri ? Si Mesdemoiselles Navaillès et Plantier sont là, tu leur transmettras mes meilleures amitiés.
Adieu, chère maman, Je t'embrasse bien fort, Émile.
P.S. Comme nous aurons deux jours à passer à Paris à l'occasion de Pâques, je serais content d'avoir mon "mois" avant le samedi saint. Mille baisers, Émile.
Écouter la lettre du 31 mars 1917