C'est superbe, à tous les points de vue, monuments, musées, boulevards, foule, C'est Paris, le grand Paris, quoi !
Depuis le 10 avril, Emile Moureu se trouve à Joinville-le-Pont (département de la Seine, aujourd'hui dans le Val-de-Marne), élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire.
Autant qu'il en a le loisir, il profite de son temps libre pour profiter des plaisirs offerts par Paris et visiter ses environs.
Cher papa, chère maman.
Laissez-moi d'abord m'excuser à propos du papier à lettre. Ici, nous n'avons pas tout ce qu'il nous faut, et j'ai oublié d'en acheter à Paris. Oui, j'ai vu Paris, hier, mais ni tante Jeanne ni autres. Je n'avais guère le temps, et je restais volontiers avec les camarades, d'autant plus que très probablement, on ne nous permettra d'y aller que rarement. Impression : C'est superbe, à tous les points de vue, monuments, musées, boulevards, foule, C'est Paris, le grand Paris, quoi ! J'arrive d'une longue marche avec chargement très fatiguante, à tel point que quelques hommes sont tombés. Mais les Béarnais ne cannent pas ! C'est égal, il me tarde d'aller au lit. Nous avons une vie bien occupée, pas 5 minutes à soit. Réveil : 5 heures 1/2 - Café, faire lit et chambrée - Exercice jusqu'à 10 heures. A 10h30, soupe - Nettoyage des cuirs, des fusils, lavage du linge, etc. De 1 heure à 5 heures, école du soldat, c.à.d. exercices divers en tirailleurs, à genoux, couchés, ramper, bondir. C'est vannant et nous sommes sales, moins sales ! A 5h30, soupe, et un peu de liberté jusqu'à 7 heures. Etude de 7 à 9, - à 9 ½, coucher. Vous voyez, c'est dur, mais enfin ! En plus, comme nous n'avons pas de caporaux, ils ont pris parmi nous, et je suis choisi pour la 1ère semaine. Nous avons les galons, mais pour 8 jours seulement. Bientôt, grandes journées de marches avec campements en plein air, nous devons être des soldats, avant d'aller plus loin. - Beaucoup d'entre nous d'ailleurs resteront soldats- ce qui n'est bien encourageant. Nous sommes 3000 en tout, il faudra à peine 800 aspirants. Avez-vous eu d'autres nouvelles de Pierre ? À Sauveterre, quoi de nouveau ? Écrivez-moi longuement. Ça fait tant de bien quand on est loin, et pour si longtemps, car nous n'aurons aucune permission, même de 48 heures pendant 3 ou 4 mois.
Mille gros baisers de fils et frère, Émile.
Écouter la lettre du 19 avril 1915