Donc, par un concours de circonstance malheureux, ma permission est en suspens pour un temps indéterminé, ...
Depuis le 12 mars 1916, le régiment d'Émile est cantonné à Chaumont-en-Vexin (Oise), à proximité de Paris. En réserve du front de Verdun ouvert le 21 février par une grande attaque allemande, il attend de monter, contingent par contingent, vers les premières lignes.
Samedi, 13.
Chère maman,
Depuis quelques jours, j'ai reçu une de tes lettres, une lettre d'Anna et le mandat. Merci pour toutes les nouvelles que tu me donnes, ça fait tant de plaisir. Moi, je suis toujours ici dans cette attente un peu anxieuse d'un fait inévitable, et qu'on arrive à réclamer au plus vite.
J'ai déjà répondu à la question que me fait Anna sur ma permission, je vais y répondre encore : 4e pour le tour de permission, et premier pour les renforts, il n'est pas du tout probable que d'ici, je vienne à la maison. Arrivé à un nouveau régiment, je ferai tout mon possible pour être mis dans le tour à ma vraie place, il n'est d'ailleurs pas sûr que j'y réussisse. Donc, par un concours de circonstance malheureux, ma permission est en suspens pour un temps indéterminé, à moins qu'une heureuse chance ne me la fasse tomber sur la tête (la bonne tuile !).
J'ai lu sur les journaux qu'on ne pouvait plus envoyer de pain aux prisonniers. Est-ce que le camp de mon cher aîné est toujours fermé ? Parlez-moi de vous tous, de lui, de tout ce qui se passe là-bas, car tout m'intéresse, vivement.
Adieu, chère maman, aie toujours patience et courage. Reçois les meilleurs baisers de ton fils, Émile.
Écouter la lettre du 13 mai 1916