Pauvre frère ! Lui, peut-être bien ne voit pas le soleil qui rapproche un peu de chez nous !
Depuis le 6 décembre 1915, le régiment d'Émile était en garnison à Brimeux dans le Pas-de-Calais. Trois mois plus tard, le 6 mars 1916, Émile annonçait dans une lettre un prochain départ vers un nouvelle destination : ce fut Chaumont-en-Vexin (Oise), à compter du 12 mars 1916.
Le régiment auquel appartenait Émile était mis en retrait du front Nord et repositionné en réserve à proximité de Paris, prêt à monter, contingent par contingent, en renfort sur le front de Verdun, ouvert le 21 février par une grande attaque allemande.
1er avril.
Sœurette,
Je ne sais si tu seras revenue à la maison quand ma lettre y parviendra. J'ai reçu ta carte, signée de tant de noms connus, et je suis heureux pour toi que quelques distractions, un petit voyage change le cours si triste des pensées. Je viens de recevoir aussi la lettre de maman. Rassure bien papa et maman, donne leur du courage, nous pouvons être là encore pour longtemps. Je n'ai pas encore le colis, mais je crois l'avoir ce soir, il m'est annoncé.
Et pour le moment, nous tâchons de mener la vie aussi agréable que possible, et le soleil, complaisant, se montre depuis quelques jours dans toute sa splendeur, et nous respirons à pleines poitrines ces premiers jours de printemps. Pauvre frère ! Lui, peut-être bien ne voit pas le soleil qui rapproche un peu de chez nous !
Adieu sœurette, papa, maman, Victor, Je vous embrasse de tout cœur, Émile.
Écouter la lettre du 1er avril 1916