Donnez-moi beaucoup de nouvelles, de tous.
Le 1er janvier, après une douzaine de jours de permission à Sauveterre-de-Béarn, Bordeaux et Paris, Emile rejoint son régiment stationné en Lorraine, dans le « pays de Jeanne la Pucelle », dans les villages de Einville, Valhey, Serres, Maixe et Bauzemont, en Meurthe-et-Moselle (près d'Hénaménil et de l'étang de Parroy, au nord de Lunéville et à l'est de Nancy). Les premiers jours, le retour aux armées est moralement pénible, la parenthèse des heures de bonheur en permission difficile à refermer. La dureté de l'hiver lorrain et les longues journées d'attente désoeuvrée entretiennent Emile Moureu dans une humeur lourde et cafardeuse, malgré la promesse d'une promotion au grade d'officier sous-lieutenant.
Chers aimés,
Brr ! Il fait froid, mais ici nous ne sommes pas mal : secteur calme, bonne nourriture, bon moral par conséquent.
Et là-bas ? Avez -vous des nouvelles de Pierre, d'Henri, de Pau ? J'ai écrit à Bordeaux et à Paris pour remercier de l'aimable accueil qui m'a été fait partout. Le cafard a disparu, je me suis remis au même niveau, c'est-à-dire à la vie routinière et un peu abrutissante du fantassin.
Je vous envoie le texte de ma proposition pour sous-lieutenant avec la lettre que mon Commandant de Compagnie m'a envoyé à Paris. Je ne sais si ça passera, mais cela vous fera plaisir.
Recevez, chers aimés, mes meilleurs baisers, Émile.
Texte
Le Colonel Meyer au Commandant le 3e bataillon. L'aspirant Moureu a été proposé pour le grade de sous-lieutenant à T.T. le 20 décembre 1917 avec les notes suivantes : "Bachelier, avait commencé sa médecine ; a voulu faire son service. Constitution robuste, très belle attitude, très militaire, très énergique. Blessé une fois. Deux citations. Très bien noté au Cours d'Aspirant de Saint-Cyr. Très bonne Instruction militaire, théorique et pratique, fera un officier très complet" !
Je suis heureux de pouvoir vous transmettre les notes avec lesquelles vous avez été proposé comme sous-lieutenant. J'espère et je souhaite que cette proposition aboutisse. Je pense que ma lettre vous parviendra dans votre famille avant votre retour de façon que vos parents sachent qu'ils ont bien le droit d'être fiers de vous. Prenez les deux jours que vous mérite votre citation. Profitez bien de votre permission pour nous revenir gai et courageux comme nous vous connaissons et comme nous vous aimons. Bien amicalement à vous, [signé :] C. Derminon
(TSVP).
Le bonjour de la part de tous les sous-officiers. Nous comptons mettre les voiles vers des lieux moins hospitaliers d'ici 2 ou 3 jours.
Bien à vous (signature illisible).