Sœurette a-t-elle toujours sa belle âme printanière malgré les rigueurs du moment ?
Depuis le 12 mars 1916, le régiment d'Émile est cantonné à Chaumont-en-Vexin (Oise), à proximité de Paris. En réserve du front de Verdun ouvert le 21 février par une grande attaque allemande, il attend de monter, contingent par contingent, vers les premières lignes.
Cher papa,
Je suis de service aujourd'hui, et je profite d'un moment de repos pour vous envoyer quelques lignes. Toujours au même endroit, attendant les événements, et toujours partagé entre deux perspectives : mon départ ou ma venue en permission.
Voici ma situation très exacte. Il faudrait, pour que je vienne passer les six jours rêvés au pays, qu'il ne parte pas de renfort jusqu'au 5 ou 6 juin. Alors, je viendrais probablement. Les chances sont bien petites, et n'y comptons pas trop.
Quoi de nouveau, dans ce cher Sauveterre, dans cette maison qui m'apparaît si lointaine ? Les premières châleur doivent vous éprouver un peu, maman et toi.
Sœurette a-t-elle toujours sa belle âme printanière malgré les rigueurs du moment ? De mon pauvre frère, encore rien, n'est-ce pas ? Quand vous connaîtrez des nouvelles de mes copains du 18e Corps, donnez-m'en, car ça "rebarde" là-haut, à Verdun. Ici, nous avons un temps splendide, un peu chaud, un peu "suant", mais vous savez que j'aime le soleil, et que, plus il chauffe, plus il ressemble au soleil de chez nous.
Adieu cher papa, chère maman, sœurette, je vous embrasse mille fois. Émile.
Écouter la lettre du 23 mai 1916