Comme depuis quelques jours, cette douce épidémie s'est assez répandue, le bon major voit des diphtériques partout ...
Sorti de l'École militaire de Joinville-le-Pont à la fin du mois d'août, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne depuis le 20 septembre, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Sœurette,
Ça te paraîtra bizarre (comme à moi d'ailleurs), je suis à l'Hôpital : Pourquoi ? Pour diphtérie, paraît-il. Mais qu'on se rassure ! Comme depuis quelques jours, cette douce épidémie s'est assez répandue, le bon major voit des diphtériques partout. J'ai été pris dans le nombre, et je n'ai rien du tout, si ce n'est toujours mon excellent appétit. Et j'y suis pour 40 jours ! 40 longs jours. Je vais me replonger dans l'étude, un peu de médecine, espagnol, anglais, etc. Tu m'écriras souvent, j'écrirai à mon tour. Surtout, ne soyez pas inquiets : je n'ai rien, absolument rien, et je l'aurais, que je n'en serais pas plus mal.
J'envoie en même temps une petite lettre pour mon frère. A Sauveterre, quoi de nouveau ? Parlez-moi de tout ce qui peut m'intéresser.
A bientôt de tes nouvelles, je t'embrasse, soeurette, de tout coeur, ainsi que papa et maman.
Ton frère dévoué,
Émile.
Sergent Moureu, Hôpital Barcouda, Grenade (Haute-Garonne).
Écouter la lettre du 18 novembre 1915