Je viens de passer une nuit délicieuse dans la paille fraîche, et je me sens reposé, ...
Le 16 août 1916 Émile rejoignait à Albert, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Amiens, le 133e Régiment d'Infanterie de l'Est, très durement éprouvé dans les combats du Bois de Hem et auquel il était désormais affecté. Le 21 août, il écrivait à sa mère : "nous montons" ! C'est pour Émile le baptême du feu ; jusqu'ici en effet, même s'il était déjà monté au front, ce n'était pas en première ligne ou alors avant ou après les combats engagés. Enfin, le 3 septembre, il peut écrire : "nous allons au repos, enfin relevés !"
4 sept.
Ma chère maman,
Je viens de passer une nuit délicieuse dans la paille fraîche, et je me sens reposé, presque dispos. Il pleut, mais nous regardons tomber la pluie avec plaisir et sans rancoeur maintenant qu'un toit de planches au-dessus de nos têtes ne laisse passer que quelques gouttes.
Un petit pathelin à proximité, j'y ai jeté un coup d'œil, fait quelques emplètes : 1 k. de raisins : 2 f ; le vin : 25 sous. Je vais courir tout-à-l'heure à la recherche de quelques œufs et de lait.
Voici maintenant quelques petites choses qui me seraient nécessaires : un tube de pâte Dentol, de plus dans chaque colis, au lieu des cigarettes toutes faites, mettez paquet de tabac Maryland jaune, ajoutez une boite d'allumettes et n'oubliez pas une gousse d'ail, de temps en temps, avec un peu de sel fin dans 1 petite boite en fer.
Le mandat du mois sera aussi reçu avec plaisir, nous avons en effet l'intention de nous soigner. Enfin, envoie-moi aussi vite que possible une montre en acier bruni, avec un bout de chaine à 2 sous. Ma montre bracelet est restée en effet je ne sais où, par là-bas. Vous verrez sans doute dans les journaux ce qui s'est passé vers "Cléry", c'est notre division qui y était.
Adieu chère maman, mille baisers de ton fils qui t'aime, Émile.
Écouter la lettre du 4 septembre 1916