Depuis lundi dernier, examen. On se croirait presque revenu au collège, au temps du bacho, mais je le prends, et nous le prenons moins à coeur.
Depuis le 10 avril, Emile Moureu est à Joinville-le-Pont, élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire des officiers. Ses lettres à sa soeur et à ses parents font le récit de son quotidien militaire et, lors des moments de loisir et de temps libre, de ses visites à Paris et ses environs.
Chère maman,
Je n'ai pas encore reçu ta lettre, mais je la précède, car, très probablement, çà presse.
Depuis lundi dernier, examen. On se croirait presque revenu au collège, au temps du bacho, mais je le prends, et nous le prenons moins à coeur... Jeudi, dans l'après-midi, j'ai passé un examen pratique - à mon tour naturellement - devant deux colonels : Manoeuvre de section. Je m'en suis à peu près tiré. Mais ensuite, il a fallu diriger ma section à l'attaque, aller reconnaître l'ennemi, je m'en suis mal tiré. Mes notes ne doivent donc pas être brillantes, non plus d'ailleurs que celles de mes camarades. Aussi, en dernier lieu, comme toujours, le piston interviendra. C'est pourquoi, on ne prend pas çà au sérieux. Demain, j'espère pouvoir aller à Paris faire mes adieux à mes familles parisiennes et à la belle capitale. En effet, le départ est fixé à la semaine prochaine, mercredi ou jeudi probablement, à moins d'ordre contraire.
Nous repartirons au dépôt. Aurons-nous des vacances aussitôt ? Les galons immédiatement ou 15 jours plus tard ? Mystère ! En tout cas, je prévois que mon porte-monnaie, après la journée de demain, sera d'un vide désespérant. Et pour revenir à Toulouse, il faut naturellement de l'argent ? Pourriez-vous m'envoyer mon mois, qq jours à l'avance. Et pour l'avoir à temps, je ne vois pas autre chose qu'un mandat télégraphique. Avez-vous toujours des nouvelles de Pierre ? Les soldats du pays que deviennent-ils ?
Parlez-moi de vous tous, de Sauveterre, il me tarde tant de venir, de revoir mes chers aimés, mon beau petit pays, mon soleil.
Mille gros baisers de votre fils et frère qui vous aime, Emile.
Écouter la lettre du 21 août 1915