Je ne me suis jamais autant aperçu de l'affreuse longueur de 4 fois 24 heures, attente sans gloire dans la boue tout entiers, guettant le boche, ...
Depuis le 10 octobre, Émile et son régiment sont sur le front de Verdun et ses tranchées boueuses, alternant périodes en première ligne et en réserve.
Sœurette,
Je réponds à ta lettre du 23 sur un texte de compte-rendu, car je n'ai pas autre chose : nous sommes redescendus des premières lignes cette nuit, sommes momentanément en réserve, et remonterons encore une fois avant le repos. Je suis dans un petit trou moins boueux qu'un trou d'obus, couché sur ma toile de tente, et ce bien-être très relatif détend un peu. et recevant des obus : Oh ! Combien je préfère mes anciennes attaques de la Somme, où l'on tombait en beauté dans du Je ne me suis jamais autant aperçu de l'affreuse longueur de 4 fois 24 heures, attente sans gloire dans la boue tout entiers, guettant le boche, soleil !
Ici, c'est la gelure lente de tout l'être sans mouvements, sans nourriture substantielle, (un peu de viande péniblement apportée dans des sacs qui arrivent pleins de boue !) et cette attente mortelle d'ennui avec des coups de main toujours à craindre. Je vous raconterai cela plus tard ! Ma bonne petite section diminue trop et j'en ai de la peine : ce qu'ils sont braves, ces petits gars, et presque tous ont vingt ans à peine !
Ne craignez rien pour moi, je suis fort, je supporte bien ces souffrances, et si parfois je faiblis, je songe à mes hommes et je me reprends. Je n'ai pas reçu encore le colis d'Henri, le tien - je croyais l'avoir dit - je l'ai eu ainsi que celui de maman.
Dans vos lettres à Pierre et à Henri, transmettez-leur toute mon affection de frère.
Chers aimés, je vous embrasse de tout mon cœur, Émile.
Écouter la lettre du 29 octobre 1917