Hier matin, en effet, réveil à 4 heures du matin, tenue de campagne, et marche assez longue sous une pluie battante. Nous sommes arrivés jolis, je t'assure.
Depuis le 10 avril, Emile Moureu est à Joinville-le-Pont, élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire des officiers. Ses lettres à sa soeur et à ses parents font le récit de son quotidien militaire et, lors des moments de loisir et de temps libre, de ses visites à Paris et ses environs.
Chère maman,
J'ai reçu ta lettre, hier au soir, au coucher. Je ne puis y répondre que maintenant. Hier matin, en effet, réveil à 4 heures du matin, tenue de campagne, et marche assez longue sous une pluie battante. Nous sommes arrivés jolis, je t'assure. Maintenant, changé, restauré, après avoir grillé une cigarette, je réponds.
Tu me parles d'aller voir tante Jeanne. C'est un peu loin, Auteuil. Mais, pour Pentecôte, peut-être aurons-nous 24 heures et je tâcherai d'y aller.
Ma foi, si les camarades ont été malades des piqûres, moi, je n'ai pas été non plus très bien, sans grande fièvre, mais travaillé un petit peu. Dans une demi-heure, 3ème piqûre, et nous l'appréhendons un peu.
Avez-vous reçu d'autres nouvelles de Pierre ? C'est très bizarre, encore cette fois-ci, je n'ai pas reçu de lettre d'Anna. Elle se sera perdue.
Tu me demandes des renseignements sur mes leçons et examens. Eh bien, nous avons en moyenne 2 ou 3 leçons assez dures par semaine, avec notes, et si la note est inférieure à une moyenne de dix, consigne le dimanche. En plus, conférences, devoirs, etc., un vrai turbin. Il y aura un examen de sortie, fort difficile, vers la fin juillet. Aussitôt l'examen passé, renvoi au dépôt, et 8 jours après, on apprend les résultats, départ au front. Cela se passera probablement ainsi pour beaucoup d'entre nous, à moins de renvoi prématuré au dépôt, pour fatigue, inaptitude ou peccadille. Voilà !
A-t-on toujours des nouvelles des soldats, rien su de nouveau à propos de P. Lauga ? Parlez-moi de tout et de tous. Adieu, chère maman, je t'embrasse de tout coeur, songeant avec un peu de regret à la Pentecôte, qui s'en ira sans d'assez longues vacances pour venir. Enfin, plus tard !
Mille baisers à papa et Anna, votre fils et frère dévoué, Emile.
Pour Pentecôte, tu pourrais m'envoyer un petit colis, avec quelques boites de conserves, sardines, thon, un peu de jambon. Ca me fera plaisir pour les marches.
Merci d'avance, Emile.
Écouter la lettre du 17 mai 1915