Passons à autre chose, laisse-moi te taquiner un peu : pourquoi, sur ta lettre, tu [...], ne me parles-tu pas du tout de ton petit voyage ?
Le 16 août 1916 Émile rejoignait à Albert, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Amiens, le 133e Régiment d'Infanterie de l'Est, très durement éprouvé dans les combats du Bois de Hem et auquel il était désormais affecté. Le 21 août, il écrivait à sa mère : "nous montons" ! C'est pour Émile le baptême du feu ; jusqu'ici en effet, même s'il était déjà monté au front, ce n'était pas en première ligne ou alors avant ou après les combats.
1er septembre.
Sœurette,
Merci pour ta bonne lettre du 28 où tu m'apparais toute telle que tu es, avec ta grande affection qui réchauffe et ton inébranlable confiance qui remonte. Après une journée sans pluie, nous voilà à peu près secs, et par conséquent plus gais et regardant l'avenir sous un horizon moins nuageux. Les opérations, légèrement arrêtées par la "biffe", vont repiquer de plus belle, et ce matin, le temps est assez clair pour que l'on distingue la tour de la ville chère à Louis XI... Hier au soir, j'ai reçu le colis expédié au 14e, mais dans quel état : tout était moisi, sauf la boite de lapin et les cigarettes. Rien d'étonnant : ça a traîné si longtemps dans l'humidité.
Passons à autre chose, laisse-moi te taquiner un peu : pourquoi, sur ta lettre, où tu me parles de tout, ne me parles-tu pas du tout de ton petit voyage ? Où as-tu été, qui as-tu vu ? J'attends d'amples détails qui, je te l'assure, m'intéressent fort. Jane est-elle partie ? Si non, qu'elle prenne mes bonnes amitiés, et qu'elle en apporte à Paris pour sa chère mère et pour la capitale aussi. Je joins quelques lignes adressées à mon cher frère, pour réaliser son souhait.
Je vous embrasse tous de tout cœur. Émile.
Écouter la lettre du 1er septembre 1916