Mais, je crois que nous repartirons dans la Somme sous peu, la semaine prochaine sans doute.
Après moins de deux semaines passés à Beuvraignes sur le front de la Somme à travailler aux préparatifs des combats, le régiment d'Émile est, depuis le 20 juin 1916, au repos à l'arrière à Chambors, dans l'Oise entre Gisors et Chaumont-en-Vexin où il était précédemment.
Vendredi, 30.
Ma chère maman,
Je viens de recevoir à l'instant ta chère lettre du 27, lettre trop pleine d'espoir, puisqu'il est encore une fois déçu. Tu as dû recevoir ma lettre qui te l'annonçait, et ton pauvre cœur de maman de soldats a dû encore une fois être meurtri. Que veux-tu ? C'est une mesure générale qui frappe beaucoup de soldats et de familles, encore un peu de patience pour nous tous ?
Nous sommes toujours à Chambors, menant une bonne petite vie, autant qu'il est possible dans le militaire. Mais, je crois que nous repartirons dans la Somme sous peu, la semaine prochaine sans doute. Je vous tiendrai au courant. Comme tu me le dis, j'ai passé dimanche dernier une excellente journée à la rue Dalou, reçu comme un fils et un frère par ces chères dames. Avez-vous eu d'autres nouvelles de Pierre ?
Et toi, sœurette, mènes-tu toujours la même vie calme et sage, cette charmante vie d'anachorète féminin qui nous fait tant envie maintenant ! Ceux qui rêvent d'une vie mouvementée et à émotions sont, ma foi, servis à souhait. J'en étais d'ailleurs, et je suis loin de détester cette vie à sensations, mais il faudrait la couper de quelques repos dans notre chez nous.
Adieu chère maman, cher papa, sœurette, je vous quitte pour aller tirer sur des silhouettes... en bois, en attendant les autres.
Mille baisers, Émile.
Écouter la lettre du 30 juin 1916