... avant l'appel, je veux écrire deux mots pour vous rassurer sur mon compte.
Après avoir passé près de 5 mois (du 10 avril au 30 août 1915) à Joinville-le-Pont, comme élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire des officiers, Émile Moureu, désormais sergent, a réintégré le 14e d'Infanterie de Ligne à Toulouse avec les autres conscrits de la Classe 1916. Il y découvre la vie en garnison, à laquelle son grade de sous-officier apporte quelque variété bienvenue.
Saint-Antonin, le 15 septembre 1915.
Chère maman,
Il est sept heures du soir, et, avant l'appel, je veux écrire deux mots pour vous rassurer sur mon compte.
St Antonin est un canton du Tarn-et-Garonne, situé dans une étroite vallée de l'Aveyron, et dominé de tous côtés par de haut plateaux, - presque des montagnes - très rocailleux, d'un grand pittoresque, couverts sur leurs pentes de vignes et de forêts. La ville elle-même, moyenâgeuse, vieille aux rues étroites bordées de hautes maisons qui cachent le soleil. Très intéressant comme pays.
Comme vie, assez douce : nous commandons ces braves gens de territoriaux pleins de bonne volonté, mais manquant un peu de souplesse. Donc, vie calme et bonne. Mais, nous ne serons pas oubliés dans le trou, et nous ne voulons pas l'être.
En tout cas, soyez calmes, écrivez-moi, parlez-moi de vous tous, et de Pierre.
Adieu, chère maman, je t'embrasse de tout coeur, ton fils dévoué,
Émile.
Écouter la lettre du 15 septembre 1915