J'aurais pas mal de choses à raconter, mais c'est impossible, on est très sévère en ce moment.
Le 24 juillet Émile rentrait de permission à Sauveterre-de-Béarn et retrouvait son régiment toujours au repos à l'arrière, à Chambors dans l'Oise. Dès le 27 juillet cependant, tous repartaient en direction de Tracy-le-Val, quelques kilomètres à l'est de Compiègne dans un secteur a priori relativement calme à la limite de l'Oise et de l'Aisne
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4 août.
Chère maman,
J'ai reçu à midi ta lettre du 31 et la carte de sœurette du 1. Lues et relues ces chères lignes qui m'apportent et de l'espoir et aussi une pointe de regret. J'aurais pas mal de choses à raconter, mais c'est impossible, on est très sévère en ce moment. Notre vie est tenable, nous ne pouvons pas dire agréable, mais enfin, m'y voilà refait. Nourriture médiocre, jamais augmentée par quelque supplément horriblement chers d'ailleurs. Vin rare, mais pas mauvais. Je suis très heureux que Pierre ait écrit une autre carte assez rassurante. Ne te fais pas trop de souci, chère maman, moi aussi de mon côté, je ne suis pas mal. Je ne puis pas te dire que je suis bien, tu ne le croirais pas. Mais aussi bien que possible dans les conditions où nous vivons. Et je t'assure que nous l'apprécions le calme relatif, quand sur notre gauche, le ronflement continuel du canon est continuel !
Et à Sauveterre, quoi de nouveau ? Sœurette me donne déjà pas mal de petites nouvelles, continuez, ça me fait grand plaisir. Avons-nous eu beaucoup de blé, cette année ? Adieu, chère maman, cher papa, sœurette, tous mes baisers de fils et de frère, Émile.
Tu peux joindre à ta lettre, chère maman, un ou deux petits billets en attendant le mandat prochain.
Tout est si cher !
Émile.
Écouter la lettre du 04 août 1916