Soyons philosophes. Maintenant, passons aux choses pratiques. D'abord, j'envoie la photographie de ma section.
Depuis le 10 avril, Emile Moureu est à Joinville-le-Pont, élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire des officiers. Ses lettres à sa soeur et à ses parents font le récit de son quotidien militaire et, lors des moments de loisir et de temps libre, de ses visites à Paris et ses environs.
Chère maman,
J'écris aujourd'hui, samedi, avant d'avoir reçu ta lettre, parce que, demain, quoique bien inoccupé, je n'aurai pourtant pas une minute de libre. "Inoccupé" ! C'est une façon de parler. J'ai le grand plaisir, alors que les autres vont se balader à Paris, d'être de planton devant une porte qui, entre parenthèses, pourrait bien se garder toute seule. Qu'y faire ? Soyons philosophes. Maintenant, passons aux choses pratiques. D'abord, j'envoie la photographie de ma section. Peut-être arrivera-t-elle un peu abîmée. Mais il n'y a pas moyen de s'arranger autrement. De plus, je demande à maman de m'envoyer 2 chemises et 2 paires de chaussettes. Mon linge devient en effet... pas beau. Si nous le donnons à laver, il nous revient de toutes les couleurs, et si nous le lavons nous-mêmes !! Les chemises que tu m'enverras, je les mettrai le dimanche, et je les ferai blanchir en ville. A la maison, quoi de nouveau ? Avez-vous reçu des nouvelles de Pierre ! Ecris-moi, dis à Anne de continuer à envoyer ces petites lettres toutes remplies de gaieté et d'affection. Je vais me coucher, en rêvant un peu de là-bas, et demain, j'aurai tout le temps de passer, baïonnette au canon, tout le chapelet de mes souvenirs.
Mille gros baisers de votre fils, et frère, Emile.
Écouter la lettre du 5 juin 1915