... vive le Midi à tous les points de vue : soleil, nourriture, et minois. Les femmes ici se fagotent à la "magots", pas de chic pour deux sous.
Depuis le 6 décembre 1915, le sergent Émile Moureu et ses camarades du 14e d'Infanterie de Ligne sont en cantonnement à l'arrière du front dans le nord, à Brimeux, dans le Pas-de-Calais.
Sœurette,
J'ai reçu avant-hier la lettre de maman, aujourd'hui la tienne, et du même coup je vais répondre à toutes les deux, vous remercier de ces nombreuses nouvelles qui font tant de plaisir quand on est loin.
Depuis 3 ou 4 jours, ça ne va pas trop. J'ai attrapé un sacré abcès dentaire qui m'a rudement agacé. Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux, mais je me repose quand même, pendant que le bataillon est allé à quelques kilomètres se faire passer en revue par le général Durbail. J'ai reçu une lettre de tante Roques, une autre de Mmes Elissabaratz, qui m'ont envoyé aussi un colis contenant des chaussons en papier (protègeant contre l'humidité) et des cigarettes roulées par Jeanne. Je vais leur répondre et les remercier.
A Sauveterre, quoi de nouveau ? A-t-on eu d'autres nouvelles de Pierre ?
Je suis très heureux que l'on s'intéresse à moi, en particulier au faubourg. Cela m'honore, mais "cela prouve aussi le bon goût de ces dames". Ne le leur dites pas !
Vous savez, vive le Midi à tous les points de vue : soleil, nourriture, et minois. Les femmes ici se fagotent à la "magots", pas de chic pour deux sous. Elles ont, il est vrai, d'éclatantes couleurs aux pommettes et de beaux cheveux blonds. Rassurez-vous tous, nous sommes sans doute pour assez longtemps à Brimeux, car le front par ici est assez calme. Il n'y a que des duels d'artillerie. Le colis n'est pas encore arrivé, mais il ne saurait tarder.
Adieu, sœurette, papa, maman, je vous embrasse de tout mon cœur, Émile.
Écouter la lettre du 20 décembre 1915