Je vais m'étendre sur ma couchette, et me hâter de ne plus penser,...
Le 1er janvier, après une douzaine de jours de permission à Sauveterre-de-Béarn, Bordeaux et Paris, Emile rejoint son régiment stationné en Lorraine, dans le « pays de Jeanne la Pucelle », dans les villages de Einville, Valhey, Serres, Maixe et Bauzemont, en Meurthe-et-Moselle (près d'Hénaménil et de l'étang de Parroy, au nord de Lunéville et à l'est de Nancy). Les premiers jours, le retour aux armées est moralement pénible, la parenthèse des heures de bonheur en permission difficile à refermer. La dureté de l'hiver lorrain et les longues journées d'attente désoeuvrée entretiennent malgré lui Emile Moureu dans une humeur lourde et cafardeuse.
Chers aimés,
Ce soir encore pas de lettres ! Et je vais me coucher encore ce soir avec une grosse impression de vide, un peu triste. Il est vrai que je ne penserai pas longtemps, car je ne dors qu'une nuit sur deux, et je suis fatigué. J'espère recevoir de vos nouvelles demain. Pierre et Henri ont-ils écrit ? Je vais m'étendre sur ma couchette, et me hâter de ne plus penser, car le cafard flotte ce soir dans l'air de ma cagna.
Bonsoir, chers aimés, je vous embrasse bien.
Émile.