Tout est donc retardé, et les 20F vont servir à fêter mes 19 ans, et j'espère bien que je pourrai le fêter à Paris le jour du 14.
Depuis le 10 avril, Emile Moureu est à Joinville-le-Pont, élève-aspirant à l'École d'Instruction Militaire des officiers. Ses lettres à sa soeur et à ses parents font le récit de son quotidien militaire et, lors des moments de loisir et de temps libre, de ses visites à Paris et ses environs.
Dimanche, 11.
Chère soeur,
J'ai reçu la lettre familiale, les 2 pages de maman si affectueuse, et tes deux pages aussi qui me manquaient réellement.
Comme me le dit maman, le départ de la classe 16 est retardé d'1 mois, et l'examen, au lieu d'être passé le 20 juillet, sera passé le 18 août. Les mamans en sont heureuses, et les fils en sont heureux... pour leurs mamans. Mais, enfin, on ne veut pas avoir l'air d'embusqués, et la décision a été très mal accueillie par tous. D'ailleurs, on se console en se disant : Nous y arriverons quand-même à temps.
Tout est donc retardé, et les 20F vont servir à fêter mes 19 ans, et j'espère bien que je pourrai le fêter à Paris le jour du 14. On n'a pas toujours 19 ans et surtout 19 ans à des moments si intéressants. Pensez-donc, quand on recherche des émotions, y en a-t-il de plus émouvantes que celles qu'on va nous donner, ces jeux où l'on joue si gros jeu, où l'on joue sa peau. Il en vaut la peine, et j'ai un bon coup de dé.
Je suis très heureux, soeurette, que tu aies pris quelques vacances, et que Pierre ait envoyé de ses nouvelles. Ce n'est pas encore le bonheur complet, mais un peu, et le reste viendra.
Écrivez-moi, parlez-moi de tout et de tous.
Mille baisers à vous tous, Anna, papa, maman, Votre fils et frère, Emile.
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Écouter la lettre du 11 juillet 1915