Soeurette, aime-les, nos chers parents, comme tu sais les aimer, ...
Depuis le 20 septembre, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Cher papa, chère maman, soeurette.
Je ne sais si vous avez reçu ma carte. Pour ma part, la carte d'Anna exceptée, je n'ai rien reçu de maman depuis sa lettre du 24. La lettre s'est-elle perdue ? Je ne sais.
Ici, toujours la vie assez active, mais relativement bonne. Depuis ce matin, le bruit court qu'un renfort doit être préparé pour le courant de la semaine. Mais ne vous inquiétez pas encore, vous serez avertis à temps, et je ferai mon possible, tout mon possible pour venir 36 ou 48 heures. De toutes façons, en tout cas, après réception de cette lettre, vous pourrez m'envoyer un mandat.
Et vous, chers aimés, toujours votre vie pleine de soucis et d'inquiétudes, - que nous voudrions tant soulager -, et malheureusement Pierre ne peut plus écrire pendant quelques jours, vous n'aurez pas de quelque temps la joie de le lire... Soeurette, aime-les, nos chers parents, comme tu sais les aimer, mais remplace-nous aussi, Pierre et moi, auprès d'eux, en attendant le jour délicieux de la réunion au foyer. Oh quel bonheur alors ! Et j'ai confiance, nous verrons tous ce jour. Ayez confiance aussi.
Adieu, mes chers aimé, je vous embrasse comme je vous aime.
Émile.
Écouter la lettre du 3 octobre 1915