J'ai passé une journée délicieuse de dimanche de Pentecôte : après un bon dîner au quartier latin, on s'est offert le théâtre aux "Bouffes".
Arrivé au Corps à Toulouse le 6 avril 1915, Emile Moureu reprend le train dès le 9 avril, à destination de Joinville-le-Pont où il intègre l'école d'instruction militaire le 10 avril 1915 comme élève-aspirant. Il profite de son temps libre pour aller autant que possible profiter des plaisirs offerts par Paris et visiter ses environs.
Paris, 23 mai.
Cher papa, chère maman,
C'est ce soir, avant de rentrer que je vous adresse ces quelques lignes. J'ai passé une journée délicieuse de dimanche de Pentecôte : après un bon dîner au quartier latin, on s'est offert le théâtre aux "Bouffes", une pièce délicieuse rendue par une excellente troupe belge. Enfin pour finir, un souper merveilleux chez Mesdames Elissabaratz, qui m'avaient écrit pour m'inviter. Et puis, rentrée à minuit au Camp. Je ne sais si demain, lundi, nous pourrons sortir encore à Paris. Si je puis sortir, j'irai voir ma tante ; mais je ne sais si on nous permettra. La semaine dernière nous avons été photographiés par compagnie et par section : Si nous sommes bien, j'en prendrai une de chaque. De toutes façons, j'en prendrai une. Aussi, je vous prie, chers papa et maman, de m'envoyer avec le mois, - un peu en avance de façon à l'avoir pour dimanche - un petit supplément pour les photographies, et des cartes d'état-major que nous devons acheter. La vie continue, de plus en plus active. La dernière piqûre, - ce n'est pas trop tôt -, va nous être donnée mardi. Mais malgré çà, malgré la fatigue occasionnée, nous faisons un entraînement intense, et déjà, on commence à parler d'un transport dans un camp, dans vingt jours ou un mois, on parle même du camp de la "Courtine", près de Limoges. Ce n'est d'ailleurs pas encore officiel. A Sauveterre, quoi de nouveau ? A-t-on reçu d'autres nouvelles de mon frère ? J'ai reçu la gentille lette d'Anna au début de la semaine, qui vient racccourcir un peu les longs jours. Allons, je vais vous quitter, chers papa, et maman, gentille soeurette, en vous embrassant tous de tout coeur, Emile.
Transmettez dans vos lettres toute mon affection de frère à mon aîné. Les nouvelles sont excellentes. La déclaration de l'Italie abrègera sûrement de beaucoup la guerre.
Mille baisers. Emile.
Écouter la lettre du 23 mai 1915