Je viens de recevoir aujourd'hui deux lettres, [...] et vous ne pouvez vous imaginer le plaisir qu'elles m'ont causé.
Après deux jours de train depuis Toulouse, le sergent Émile Moureu et ses camarades du 9e bataillon du 14e Régiment d'Infanterie de Ligne sont arrivés à l'arrière du front dans le nord le 5 décembre 1915. Leur cantonnement est installé à Brimeux, dans le Pas-de-Calais.
Cher papa, Je viens de recevoir aujourd'hui deux lettres, une de maman et une d'Anna, et vous ne pouvez vous imaginer le plaisir qu'elles m'ont causé. Voici tous les détails demandés. Brimeux est un petit village de 700 habitants. Le bataillon du 14e y est cantonné avec une compagnie de Chasseurs à pied, et tous les villages des environs contiennent des troupes de la Classe 16 du 17e, 15e et 12e Corps. Vers Montreuil, à 7 km, sont cantonnés MM. les Anglais, ces guerriers amateurs.
Ici, nous commençons à arranger notre petite vie. Nous sommes nourris sur l'ordinaire mais tous les sous off. de la compagnie se réunissent en popote, et nous mangeons assez bien. La viande est assez bonne et, c'est surtout du mouton. Tu penses bien que si un bon gigot passe à notre portée, nous jetons le grappin dessus.
Comme distractions, la pêche. A l'ouest et au nord de Brimeux, des marais sans fin s'étendent, poissonneux, giboyeux, pleins de perches, anguilles, etc. et de canards sauvages – et on essaie parfois d'améliorer l'ordinaire. Et puis, enfin, nous sommes jeunes, gais, pleins d'entrain, et très bons camarades.
Soyez complètement rassurés, sans être idéalement bien, nous ne sommes pas mal, et probablement pour l'hiver ici. Écrivez-moi souvent, je vous embrasse tous de tout cœur, Émile.
Écouter la lettre du 14 décembre 1915