... j'espère d'ailleurs être à ce moment-là en train de guérir ma seconde blessure sous le beau ciel de la Provence.
Depuis le début du mois de mars 1917, Emile a rejoint l'Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr où il suit une formation d'officier aspirant.
Saint-Cyr, le 5 avril 1917
Chers aimés,
Le soleil s'est montré aujourd'hui, et une gentille lettre de Melle Navaillès et d'Anna m'attendait au retour de la marche. Aussi, toute fatigue disparaît. Je viens de relire la lettre de Pierre reçue hier dans la lettre de maman, et je songe avec peine à cette pauvre vie d'exilé qui n'a qu'un soutien : la tendresse que lui apportent nos lettres, et ils la lui suppriment sans pitié. Et la guerre ?
Cette intervention de l'Amérique ne me plaît qu'à moitié : à mon avis, en voilà pour six mois ou un an de plus de guerre : je ne veux pas parler de son concours en hommes, mais de son aide financière. Persuadée qu'on veut sa destruction, l'Allemagne, comme une bête aux abois, tiendra le plus longtemps possible. Les Boches seront serrés, privés, mais ils ne comprendront que trop la nécessité de durer. Aussi, je commence à envisager une nouvelle campagne d'hiver. Ça ne me sourit guère, je l'avoue, j'espère d'ailleurs être à ce moment-là en train de guérir ma seconde blessure sous le beau ciel de la Provence.
J'anticipe, et pour l'instant je suis bien à l'abri, à St Cyr, oubliant la fatigue avec la douce perspective de passer 2 grands jours à Paris, que j'aime tant pour sa foule, ses théâtres, ses jolies femmes, pour sa vie physique et intellectuelle, intenses toutes deux.
Avez-vous reçu la photo ? N'oublie pas, chère maman, d'écrire à Tante Jane : elle est très gentille et j'y vais souvent. J'ai reçu le mandat. Merci.
Mille baisers de votre Émile.
Écouter la lettre du 05 avril 1917