J'ai reçu hier ta lettre toute affectueuse où tu montres tant, malgré ton grand courage, ton pauvre coeur meurtri.
Depuis le 6 décembre 1915, le régiment d'Émile était en garnison à Brimeux dans le Pas-de-Calais. Trois mois plus tard, le 6 mars 1916, Émile annonçait dans une lettre un prochain départ vers un nouvelle destination : ce fut Chaumont-en-Vexin (Oise), à compter du 12 mars 1916.
Le régiment auquel appartenait Émile était mis en retrait du front Nord et repositionné en réserve à proximité de Paris, prêt à monter, contingent par contingent, en renfort sur le front de Verdun, ouvert le 21 février par une grande attaque allemande.
28 mars.
Ma chère maman,
J'ai reçu hier ta lettre toute affectueuse où tu montres tant, malgré ton grand courage, ton pauvre coeur meurtri. Rassure-toi, chère maman, sois forte, je suis encore ici, et si tu voyais ! Nous avons reçu hier un renfort de Toulouse, récupérés de la Classe 16 et engagés de la Classe 17, encore plus jeunes que nous, et moins forts, et avec eux, des sergents, tous malades et se ressentant encore de leurs blessures ! Quel besoin pressant d'hommes nous devons avoir !
Le temps n'est pas bien beau depuis quelques jours, et nous menons cette vie bêtement monotone, sans pouvoir sortir pour nous distraire. Nous en venons à désirer le départ, et le meilleur avenir en perspective est une bonne blessure avec de la convalescence pour revenir, revenir chez soi, le "chez soi" qui est pour nous tous le paradis.
Adieu, chère maman, cher papa, soeurette, je n'ai qu'un désir, vous tenir dans mes bras.
Émile.
Écouter la lettre du 28 mars 1916