Ici, rien de nouveau, toujours la même petite vie de camp, parfois fatiguante, mais bonne et saine, sans privations.
Depuis le 20 septembre, au retour de l'École militaire de Joinville-le-Pont, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Cher papa,
J'ai reçu hier la lettre d'Anna, et pour tenir ma promesse, je t'envoie deux mots.
La carte de tante Julie m'a fait plaisir, je vois que, même très loin, on songe aux soldats, quoique je n'ai pas encore gagné son admiration. Ici, rien de nouveau, toujours la même petite vie de camp, parfois fatigante, mais bonne et saine, sans privations.
A Sauveterre ? Anna me parle d'un automne ensoleillé, d'un automne qui a des échappées de printemps. Ici, il est un peu brumeux, mais excellent, çà nous permet d'ailleurs, - et c'est tout - de jouer au foot-ball avec toute l'ardeur de nos dix-neuf ans. Demain, grand match, çà va chauffer !
Dimanche prochain la Toussaint. Je ne sais encore ce qu'on aura. Si on pouvait avoir 48 heures ! Je n'y compte pas, de toutes façons j'espère en avoir 24, et aller les passer à Toulouse. Je vous en reparlerai. Écrivez-moi tous un peu, moi aussi de mon côté.
Adieu, cher papa, je vous embrasse tous de tout coeur,
Émile.
Écouter la lettre du 22 octobre 1915