Je m'habitue peu à peu à cette vie de petite garnison, d'autant plus que nous avons commencé les parties de foot-balle.
Depuis le 20 septembre, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Soeurette,
Dans sa lettre, que j'ai reçu ce matin, maman me dit que tu m'écris. Je n'ai pas encore reçu ta lettre, mais j'y réponds en même temps qu'à celle de maman, sachant qu'elle m'apportera tout un trésor de tendresse. J'aime bien cet entrecroisement, - la prochaine sera pour papa - où le but est toujours atteint, un coeur qui contient tous les autres.
Que maman se rassure, nous sommes toujours à Grenade et peut-être pour quelques jours. Vous serez avertis, je suis presque sûr de venir avant, donc, à mon sujet, tranquillisez-vous. Je m'habitue peu à peu à cette vie de petite garnison, d'autant plus que nous avons commencé les parties de foot-balle. Dimanche, nous marcherons contre le 83e régiment. Cà nous aguerrit un peu plus, et çà nous distrait.
Nos camarades sergents sont tous très gentils, tous réservistes. Nous mangeons ensemble à la pension, et la table est gaie. Avec le froid, mon appétit augmente. Aussi, pour les matins et les 4 heures, je vous demanderai un petit colis, chocolat, fromage, saucisson. Et aussi, une paire de gants, ceux qui sont à la maison.
J'écrirai une lettre à papa dans 3 ou 4 jours. Adieu, soeurette, papa, maman, je vous aime,
Émile.
Parlez-moi de Pierre, et de ses lettres toujours.
Écouter la lettre du 19 octobre 1915