Cette vie d'attente continuelle est trop vide.
Le 1er janvier, après une douzaine de jours de permission à Sauveterre-de-Béarn, Bordeaux et Paris, Emile rejoint son régiment stationné en Lorraine, dans le « pays de Jeanne la Pucelle », dans les villages de Einville, Valhey, Serres, Maixe et Bauzemont, en Meurthe-et-Moselle (près d'Hénaménil et de l'étang de Parroy, au nord de Lunéville et à l'est de Nancy). Les premiers jours, le retour aux armées est moralement pénible, la parenthèse des heures de bonheur en permission difficile à refermer. La dureté de l'hiver lorrain et les longues journées d'attente désoeuvrée entretiennent malgré lui Emile Moureu dans une humeur lourde et cafardeuse.
Sœurette,
Merci de ta lettre, fort flatteuse, ma foi, même un peu trop à mon avis.
Vous avez dû recevoir mes impressions au sujet de l'événement survenu à la maison : je partage entièrement ton avis, vois-tu.
Ici, temps gris et bas, un peu triste. Cette vie d'attente continuelle est trop vide. Quand la correspondance est faite, que faire sinon penser, sinon ressasser toujours les mêmes pensées ! On attend la soupe, puis les lettres, puis la soupe du soir, et la nuit, le Boche : vie d'attente continuelle, faite de grands trous vides.
J'ai lu avec émotion la chère lettre de Pierre, et j'admire ce pauvre grand, qui, déjà si malheureux, trouve encore le moyen de me plaindre ! As-tu décidé quelque chose au sujet de Bleau ? Je suis heureux pour Henri de ces quelques mois d'arrière.
Maman trouve-t-elle le moyen de travailler encore beaucoup ? J'en ai un peu peur.
Chers aimés, je vous embrasse de tout mon cœur,
Émile.