... et le cri: "les gaz !" passa de bouche en bouche. Je t'assure que les masques furent vite assujettis. Nous étions en dernière ligne à ce moment-là, ...
Le 24 juillet Émile rentrait de permission à Sauveterre-de-Béarn et retrouvait son régiment toujours au repos à l'arrière, à Chambors dans l'Oise. Dès le 27 juillet cependant, tous repartaient en direction de Tracy-le-Val, quelques kilomètres à l'est de Compiègne dans un secteur plus près du front mais a priori relativement calme à la limite de l'Oise et de l'Aisne
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Vendredi, 11 août.
Chère Anna,
J'ai un instant de liberté, je veux en profiter pour causer un instant : je sais que tu aimes la causerie, et moi je ne la déteste pas. Dans ma vie, rien de nouveau, rien de saillant, à part une alerte faite il y a deux jours, ou deux nuits plutôt : vers 9 h du soir, les sirènes cornèrent lugubrement, et le cri: "les gaz !" passa de bouche en bouche. Je t'assure que les masques furent vite assujettis. Nous étions en dernière ligne à ce moment-là, et nous en fûmes quittes par une ½ asphyxie par les "seuls" masques. L'alerte n'était pas faite à tort, mais la nappe de gaz était assez réduite et lancée seulement sur notre droite par les Boches, près de Moulin-sur-Touvent. Donc, simple incident !
Et là-bas, quoi de nouveau ? Pierre a-t-il écrit ? Et cette vague de châleur ? Ici, il y a de la flotte dans l'air, et nous nous mouillons avec délice. Jane est-elle à la maison ? Transmets-lui mes meilleurs souvenirs. Adrien est-il toujours au dépôt ? J'ai rencontré ici, artilleur, un "Morlanne" que je ne connaissais pas, mais qui m'a reconnu.
Je te quitte, sœurette, en t'embrassant de tout cœur,
Émile.
Écouter la lettre du 11 août 1916