Mon cher papa, Avant d'aller au théâtre (car nous avons un théâtre, dans une belle grange !) je veux écrire deux mots.
Au terme de deux mois de cantonnement et de préparation militaire à Grenade-sur-Garonne Émile Moureu et les autres conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne reçurent, le 30 novembre l'ordre attendu autant que redouté du départ pour le front. Après quelques jours à Toulouse puis de voyage en train, le régiment prenait garnison à Brimeux dans le Pas-de-Calais le 6 décembre 1915.
Mon cher papa,
Avant d'aller au théâtre (car nous avons un théâtre, dans une belle grange !) je veux écrire deux mots, vous dire que j'ai reçu la lettre d'Anna et en même temps le colis : molletières, qui vont très bien, les cigarettes que nous sommes en train de fumer, le jambon, sardines, etc. que nous dégusterons tout-à-l'heure.
Sœurette, tu me dis que Pierre a écrit, j'en suis très heureux, et qu'il te taquine, tant mieux encore ! Moi, je ne me permettrai pas de te taquiner, étant plus jeune, je dois le respect. Le soleil que tu me dis avoir envoyé, je ne l'ai pas encore reçu.
C'est dimanche, nous nous reposons, et nous sommes tout heureux de cet instant de repos. Jeanne Elissabaratz a écrit. Je lui répondrai dans quelques jours.
Je viens d'écrire aussi à Ferdinand.
Mille baisers à tous, Émile.
Écouter la lettre du 13 février 1916