Et, toi, sœurette, que deviens-tu ? C'est toujours en toi, n'est-ce pas que se niche toute la joie de la maison.
Depuis le 12 mars 1916, le régiment d'Émile est cantonné à Chaumont-en-Vexin (Oise), à proximité de Paris. En réserve du front de Verdun ouvert le 21 février par une grande attaque allemande, il attend de monter, contingent par contingent, vers les premières lignes.
Vendredi, 26.
Sœurette,
Au retour d'une marche de 30 km à travers ce pays charmant qu'est le Vexin, je veux te remercier de ta gentille carte expédiée de Salies, et tu remercieras de ma part Melle Albertine, à qui tu diras que je recueille avec plaisir ses "Besos" espagnols, mais que je voudrais en connaître la saveur française.Je t'envoie en même temps une petite photo, qui ne serait pas trop mal, si l'éclairage était moins intense. Mais enfin, c'est moi, et je sais que ça vous fera plaisir. Quoi de nouveau dans mon Sauveterre ? Les femmes ont-elles toujours la langue aussi bien aiguisée ? (C'est leur guerre, à elle !) Et ce patronage vit-il toujours sa brillante vie ? Parle-moi un peu de tout ça, et malheureusement tu ne pourras pas, sans doute, me parler de mon cher aîné.
Papa et maman sont-ils bien, la chaleur ne les fatigue-t-elle pas trop ?
Mon colis de linge est-il arrivé ?
Je te quitte, sœurette, en t'embrassant mille fois,
embrasse papa et maman pour moi.
Tout à toi, Émile.
Écouter la lettre du 26 mai 1916