Un peu de mal à la gorge, je me suis fait dispenser d'exercice.
Sorti de l'École militaire de Joinville-le-Pont à la fin du mois d'août, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne depuis le 20 septembre, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Ma chère maman,
C'est de ma chambre que j'écris. Un peu de mal à la gorge, je me suis fait dispenser d'exercice. Mais ce n'est rien du tout. C'est un peu de repos, et un peu de lecture après tous ces exercices physiques.
J'ai reçu ce matin ta lettre si affectueuse qui m'apporte "toutes sortes de choses", mais toutes choses qui prouvent ta grande affection de mère. Sauveterre doit être un peu ranimé de sa torpeur grâce à la visite des permissionnaires qui apportent de la joie dans leur famille.
Je suis très heureux que Pierre ait écrit deux mots. J'écrirai à Anna dans 2 ou 3 jours, j'en profiterai pour écrire à mon aîné (je préfère leur écrire à l'encre). Je suis très content aussi d'apprendre que papa est beaucoup mieux, et il vous le faut, pauvres chers parents avec tout le travail qui vous tombe sur les bras. Ici, toujours à peu près.
Jeudi, nous partirons en marche, une marche de 2 jours, avec une nuit passée à la belle étoile : ça manque de charme ! Je t'écrirai bientôt soeurette, nous causerons gentiment.
Adieu, chère maman, cher papa, sœurette, je vous embrasse de tout cœur,
Émile.
Ferdinand m'a écrit, dites-lui que je pense à lui, et que je voudrais être à la maison pour le recevoir.
Écouter la lettre du 16 novembre 1915