Or, Dieu sait si les heures passées aux tranchées sont brèves ! La canonnade elle-même, pourtant violente, n'a pu me distraire, ...
Le 16 août 1916 Émile rejoignait à Albert, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Amiens, le 133e Régiment d'Infanterie de l'Est, très durement éprouvé dans les combats du Bois de Hem et auquel il était désormais affecté. Le 21 août, il écrivait à sa mère : "nous montons" ! Ce serait pour Émile son baptême du feu ; jusqu'ici en effet, même s'il était déjà monté au front, ce n'était pas en première ligne ou alors avant ou après les combats engagés.
26 août.
Chers aimés,
Enfin, je viens de recevoir mon volumineux courrier, toutes les lettres qui m'étaient expédiées depuis dix jours, et je vous assure que l'heure écoulée a été délicieuse et courte. Or, Dieu sait si les heures passées aux tranchées sont brèves ! La canonnade elle-même, pourtant violente, n'a pu me distraire, et me voilà ici au milieu de mes souvenirs transportant pour quelques instants ma vie si douce de là-bas, dans ce milieu si brutal !
Tout-à-l'heure, je vais me coucher 1 ou 2 heures, et – quelques détails :
Les parois des tranchées sont minés, creusés, chacun y fait son petit lit, oh ! pas grand-chose : un trou qui puisse contenir tête et tronc, on laisse les pieds devant la porte et on dort là délicieusement, quand il ne fait pas trop froid. Merci, Jane, pour vos quelques lignes si pleines d'affection.
Je vous demande à tous d'écrire souvent, c'est délicieux de lire de la tendresse.
Tout mon cœur à vous tous, transmettez ma grande affection à Pierre.
Émile, Curlu.
Écouter la lettre du 26 août 1916