Ah ! Sales Boches, va, il faudra qu'ils nous paient tout ça.
Depuis le 5 juin 1916, le régiment d'Émile est positionné dans la Somme, sur la ligne de front, face aux tranchées allemandes. L'heure n'est pas aux combats, mais aux travaux de tranchées.
12 juin.
Cher papa,
En rentrant au baraquement, j'ai le grand plaisir de trouver une lettre d'Anna du 10, que je lis avec avidité, parce qu'elle m'apporte de vagues, trop vagues, mais tout de même des échos de la vie de là-bas.
Toutes mes amitiés à Sallier, quand il viendra en convalescence, et dîtes-lui de ma part que c'est un veinard qui a la chouette blessure. Je n'ai qu'un regret, c'est de n'avoir point encore, après tant de temps, des nouvelles de notre pauvre Pierre.
Ah ! Sales Boches, va, il faudra qu'ils nous paient tout ça. Malheureusement, je crois qu'ils ne sont pas solvables, et ils le seraient qu'ils ne se laisseraient pas faire. C'est des gens vraiment très forts qui poursuivent un but unique en sachant l'adapter aux circonstances, tandis que chez nous, chaque circonstance fournit un peu un nouveau but. Enfin, patience et espoir, malgré tout !
Ici, calme relatif, comme dirait le communiqué, canonnade partielle. Quelques pauvres diables du Génie amochés par- ci, par-là, assez peu du reste, et nous encore rien, et pourtant, surtout aujourd'hui, nous étions bien placés ; en avant d'une batterie de 75 qui a tiré toute la matinée, et les obus s'entrecroisaient sur nos têtes. On s'en tirera, mais le plus embêtant c'est qu'on ne parle pas à nouveau des permissions.
Adieu, cher papa, chère maman, sœurette, tous mes bons baisers. Émile.
Écouter la lettre du 12 juin 1916