Je suis encore à l'hôpital, et j'ai reçu ta lettre hier. Le départ est fixé à mardi, et je ne sais si je pourrai sortir ...
Sorti de l'École militaire de Joinville-le-Pont à la fin du mois d'août, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne depuis le 20 septembre, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Mais après qu'il se soit plaint d'un léger mal de gorge (lettre du 16 novembre) Émile est placé en quarantaine à l'hôpital local (lettre du 18 novembre) : une épidémie de diphtérie est en effet déclarée au sein du régiment...
Ma chère maman,
Je suis encore à l'hôpital, et j'ai reçu ta lettre hier. Le départ est fixé à mardi, et je ne sais si je pourrai sortir car l'autorisation n'est pas encore arrivée de Toulouse, et je ne sais si elle arrivera. Dans le cas de mon départ, j'enverrais une dépêche, et vous m'enverriez un mandat télégraphique. Sinon, soyez bien tranquilles, et envoyez-moi mon mois à l'ordinaire, en adressant les lettres "Sergent Moureu Chez Mgr abbé Barcouda, Grenade", elles m'arriveront bien plus vite.
Mais je désire de tout cœur partir avec mes camarades. Il y a d'ailleurs tout avantage : Nous n'irons au front que progressivement, en passant insensiblement de la 4e à la 1ère ligne. Sinon, dans un mois, je partirais avec le 1er renfort, où je ne connaitrai personne, et jeté aussitôt sur la ligne.
Adieu chère maman, cher papa, sœurette, je vous aime. Émile.
Écouter la lettre du 28 novembre 1915