Chère maman, tu fais bien de ne pas trop compter sur ma venue à la Toussaint. On n'aura que vingt-quatre heures ...
Depuis le 20 septembre, le sergent Émile Moureu est cantonné à Grenade-sur-Garonne, avec l'ensemble des conscrits de la Classe 1916 affectés au 14e d'Infanterie de Ligne. Il y découvre la vie en garnison rythmée par les exercices militaires et de combat, dans l'attente impatiente autant qu'inquiète de l'annonce d'un prochain départ pour le front.
Chère maman,
Il pleut, il a plu toute la journée, on est resté dedans depuis ce matin, et le temps a paru bien long. La lettre est arrivée ce matin, et a égayé toute cette journée.
J'ai tout reçu, les gants, et les mille gâteries qu'une main chère avait si bien placé ! Ce serait invraisemblable, - si ce n'était vrai - tout ce que peut contenir une petite boîte, quand une main de mère s'en mêle ! Chère maman, tu fais bien de ne pas trop compter sur ma venue à la Toussaint. On n'aura que vingt-quatre heures, et ce n'est pas assez.
Nous avons résolu, avec quelques camarades, pour changer un peu cette vie monotone, d'aller les passer à Toulouse. Aussi, dans ta prochaine lettre, je te prie de m'envoyer mon mois à l'ordinaire, plus un petit supplément pour l'achat de quelques bagatelles, bretelles, ceinture de laine, etc.
Du départ, pas un mot ! Soyez bien tranquilles. J'ai causé avec le major : son avis est qu'on craindrait de jeter en plein hiver la classe 16 là-bas ! Ne vous flattez pas trop, mais pas d'inquiétude prématurée !
Je suis très heureux que Pierre ait reçu mes 2 lettres, et je souhaite qu'il reçoive ma dernière.
Je te recommande, soeurette, de me donner beaucoup de nouvelles.
Adieu, maman, papa, petite soeur, je vous embrasse comme je vous aime,
Émile.
Écouter la lettre du 26 octobre 1915