... et il se pourrait [...] que j'assiste à la noce de Sœurette avec un beau galon en V sur le bras.
Depuis le début du mois de mars 1917, Émile a rejoint l'École Spéciale militaire de Saint-Cyr où il suit une formation d'officier aspirant.
Saint-Cyr, le 23 juin 1917.
Ma chère maman,
Depuis quelques jours la fraîcheur est revenue, et avec elle le bien-être, et le bonheur de vivre. Ton gentil colis, arrivé ce matin, tombe donc à pic : dans une crise d'appétit. Et puis, ta lettre, ta chère lettre si aimante pour moi, et pour nous tous.
Rassure-toi au sujet de Pierre ; s'ils sont rapatriés - ce qui n'est pas encore fait - ils ne reviendront pas au front, tout au moins dans des unités combattantes. On pourra les employer par exemple dans le Service de santé.
Quant à papa, il est et restera civil : ne crains absolument rien ; il est plutôt question de renvoyer les vieilles classes. Notre examen commence le lundi 2 juillet. Quoique le résultat ne m'intéresse pas au point de vue avenir, je tiens par amour-propre à le passer à peu près bien, Ils ont pourtant bien perdu de leur prestige pour toi, ces galons ! Enfin ! Dans une situation générale mauvaise, il faut rechercher la situation particulière la meilleure possible.
Demain, dimanche, j'irai peut-être rue Gustave-Flaubert, à moins que je ne m'arrête avant : j'aime beaucoup suivre l'inspiration du moment : ça donne une illusion plus forte de liberté.
Adieu, mère, les meilleurs baisers de ton fils, Émile.
Écouter la lettre du 23 juin 1917